dimanche 24 janvier 2010

DIMANCHE EN POÉSIE : UN JOUR QU'IL FAISAIT NUIT - Robert Desnos



Il s'envola au fond de la rivière.
Les pierres en bois d'ébène les fils de fer en or et la croix sans branche.
Tout rien.
Je la hais d'amour comme tout un chacun.
La mort respirait de grandes bouffées de vie.
Le compas traçait des carrés et de triangles à cinq côtés.
Après il descendit au grenier.
Les étoiles de midi resplendissaient.
Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons sur la rive au milieu de la Seine.
Un ver de terre marque le centre du cercle sur la circonférence.
En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours.
Alors nous avancions dans un allée déserte où se pressait la foule.
Quand la marche nous eu bien reposés nous eûmes le courage de nous asseoir puis au réveil nos yeux se fermèrent et l'aube versa sur nous les réservoirs de la nuit.
La pluie nous sécha.



Robert Desnos naît à Paris le 4 juillet 1900 et passe son enfance dans le quartier des Halles. Peu intéressé par l'école, il préfère l'univers des bandes dessinées et des romans d'aventures. A 16 ans, il devient commis dans une droguerie. En 1918, ses premiers écrits paraissent dans La Tribune des jeunes, et son recueil de poèmes Le Fard des argonautes est publié dans une revue d'avant-garde, Le Trait d'union, en 1919. L'année suivante, il découvre le mouvement Dada avec Benjamin Perret et André Breton, groupe qu'il rejoint après son service militaire effectué au Maroc. Quand le surréalisme, qui marqua tant la littérature de l'entre-deux-guerres, remplaçe le dadaïsme, Desnos en devient un acteur primordial : l'écriture automatique, le rêve sous hypnose, engendrent d'étranges poésies et aphorismes : Prose Sélavy, L'Aumonyme, L'asile ami...


"La lame qui tranche l'affliction
des âmes dévoile-t-elle aux amis
la fiction de l'affection ?"


(Prose Sélavy)
Entre 1924 et 1929, il est rédacteur de La Révolution surréaliste, mais aussi comptable, caissier, journaliste à Paris-Soir puis au Soir, partageant peu à peu sa vie sentimentale entre la chanteuse Yvonne George - qui meurt en 1930 - et Youki Foujita. De cette époque datent La liberté ou l'amour, La mystérieuse, Siramour. En 1926, il s'installe dans le quartier Montparnasse, côtoyant les frères Prévert, Raymond Queneau, Joan Miro.

Savoir si l'esprit surréaliste est ou non compatible avec un engagement politique - le communisme - provoque la scission du groupe et oppose à coups d'injures Desnos, Prévert, Soupault et quelques autres, à Breton, Aragon, Eluard...
Dans les années trente, l'activité de Desnos évolue : il écrit moins, se lançant dans la radio - réalisateur d'émissions, rédacteur publicitaire - dans la chanson, le cinéma. Issu d'un milieu modeste, il veut que la culture imprègne la vie de tous.

"La lune, nid des vers luisants,
Dans le ciel continue sa route.
Elle sème sur les enfants,
Sur tous les beaux enfants dormants,
Rêve sur rêve, goutte à goutte."
(Chantefables et Chantefleurs)
Mais l'artiste qu'il est perçoit comme un danger pour la liberté les tensions internationales : il rejoint le Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes, milite en faveur des républicains espagnols, endosse sans complexe l'uniforme en 1939. Démobilisé après la défaite de juin 1940, il entre au journal Aujourd'hui. En 1942, il intègre le réseau de Résistance "Agir", participe à l'action de la presse clandestine et retrouve la littérature sous forme de pamphlets et de romans (Maréchal Duconno, Etat de veille...).


"Je suis le veilleur de la Porte Dorée
Autour ou donjon le bois de Vincennes
épaissi ! les ténèbres
J'ai entendu des cris
dans ta direction de Créteil
Et des trains roulent vers l'est
avec un sillage Je chants de révolte."
(Destinée arbitraire)


Le 22 février 1944, Desnos est arrêté et emmené à la prison de Fresnes. Le camp de Compiègne-Royallieu, où il est transféré le 20 mars, est la première étape de sa déportation. Le 12 mai, il doit partir pour Buchenwald.


Le 25 mai, il gagne le camp de Flossenburg puis, le 2 juin, le commando de Flohä. Lorsque les Alliés pénètrent en Allemagne, les Nazis font évacuer les camps, exécutant les déportés ou les lançant dans d'épouvantables marches jalonnées de morts. Parti le 14 avril 1945, Desnos arrive ainsi à Theresienstadt (Terezin) en Tchécoslovaquie, ville délivrée par les Russes le 8 mai suivant. Atteint de typhus, il s'éteint le 8 juin 1945.


Ses restes mortels reposent à Paris, dans le cimetière du Montparnasse.
Source : MINDEF/SGA/DMPA




2 commentaires:

  1. Quelle fin horrible il a eu! Il était très aimé des écrivains d'avant-guerre. Il avait la réputation d'être très généreux! Je l'aime bien aussi!

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  2. Je ne connaissais pas ce poème. Merci pour la piqûre de rappel de la vie du poète.

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