L'ENFANT BLEU de Henry Bauchau

ORION est un adolescent. Il appartient au "peuple du désastre", comme Henry Bauchau nomme le monde des handicapés. Il est gravement perturbé. Il est suivi dans un hôpital de jour par VÉRONIQUE, psychanalyste....

Rêveries...

"Il fait froid dans ton livre ?" Cette question m'est posée par Pierre, mon fils de 21 ans, dans le hall d'un hôpital où il est soigné pour une très grave maladie. Il fait froid dans ce hall, et il fait froid dans nos cœurs et nos pensées. Et le titre du livre "L'enfant bleu" lui évoque le froid.

Pierre a (avait) le projet de devenir éducateur, mais la maladie met ce projet en péril.

Je "nous" parle alors d'Orion que le "DÉMON DE PARIS" transforme en volcan qui s'ébullitionne lorsque la psychose s'empare de lui. Contradiction entre le froid dans nos cœurs et la violence des émotions qui envahissent l'adolescent pendant ses crises.


Orion est Thésée qui extermine le Minotaure dans le labyrinthe, mais qui part sans un regard pour Ariane, sans l'amour et le secours de laquelle il n'aurait pas pu réaliser son dessein. Orion est aussi ce Minotaure, qui dévore l'adolescence pour se venger d'avoir été vaincu.


Qui donc a vaincu Orion pour qu'il ne puisse se désigner que sous le terme impersonnel du "on" ? "On ne sait pas", dit-il ! 


Mais Orion peut-être aussi le facétieux Mowgli, qui saute de lianes en lianes, pour exorciser le démon de Paris.


Orion dessine, pendant que sa thérapeute poétise, et que le mari de celle-ci se cherche dans la musique. Ces trois êtres ont en commun d'appartenir au "peuple du désastre", ce peuple enfermé en lui-même, ce peuple de la psychose qui n'habite pas que les malades psychotiques.
Leur rencontre donne lieu à une fabuleuse créativité qui permettra à chacun d'entre eux d'aller au plus profond de lui-même pour sublimer le meilleur. 


Mais "on" n'a pas fini de lire... "on" dira ses émotions encore dans quelques jours !

LUNDI 09 NOVEMBRE 2009

ON a continué à lire, hier après-midi, à la terrasse d'une brasserie Nantaise, devant un thé qui réchauffe...

Orion sculpte maintenant, dans l'atelier d'Alberto. Bien sûr, Véronique l'accompagne : il faut laisser le moins de prise possible au démon de Paris. C'est qu'il est roublard, ce démon ! Il s'empare d'Orion dans ses moments de panique et le rend violent.

Le cheminement d'Orion m'évoque L..., un élève que j'ai rencontré, il y a environ 6 ans. Non lecteur, alors qu'il avait 12 ans !!! Non scripteur, aussi. Il disposait de stratégies extraordinaires pour contourner ses difficultés. Capable de retrouver, dans une bibliothèque en désordre, LE livre qui traite DU sujet qui l'intéressait. FABULEUX !

Avec le recul,  les "dictées d'angoisse" qu'Orion souffle à sa thérapeute me font penser que j'aurais pu engager L... sur le chemin de la création littéraire.

MARDI 10 NOVEMBRE 2009

Comme Véronique, la psychothérapeute, c'est avec difficulté que j'ai accepté de laisser Orion vivre sa vie.


12 ans, 12 années passées à l'accompagner, à le guider sur la voie de la création ! Pas de la guérison, mais de l'acceptation de soi. 

Je ne sais pas vraiment auquel de ces deux héros je me suis identifiée, tout au long de cette lecture.

Parfois j'étais Orion, parfois Véronique...

J'ai dansé la danse de Saint-Guy comme ce jeune homme, j'ai aimé la fragile Myla , j'ai fait vibrer dans ma tête les cordes de la harpe éolienne, j'ai brûlé mes œuvres, j'ai eu envie de me serrer contre Jean...

Et, comme Véronique, j'ai vécu les incertitudes, la fatigue, la crainte de me tromper, le bonheur fugace du partage d'un sourire, la peur d'être blessée, le doute...

J'ai refermé le livre avec peine, comme si je laissais entre les pages une partie de moi-même. 

Si vous lisez cette œuvre, peut-être m'y retrouverez-vous ?

Alors, je vous donne rendez-vous, pour que nous puissions nous rencontrer.

À bientôt ?